Un conseil donné dans un livre paru en l’an 2000 du père Pierre Babin, fondateur du Centre de Recherche et d’Education en Communication (CREC), vient de se vérifier au diocèse de Basankusu, en République démocratique du Congo. Pierre Babin écrit : « Avant d’entreprendre une radio chrétienne, crée le réseau. N’achète, ne bâtis en dur qu’en fonction du développement du réseau. Insiste sur la formation : c’est d’abord par la formation qu’on prend corps. » (Pierre BABIN, Angela ZUKOWSKI, Médias, chance pour l’évangile. Un dialogue, P. Lethielleux, Paris, 2000, p. 124).

L’évêque de Basankusu, Mgr Joseh Mokobe, a bénéficié lui-même, en 2011, de la formation du CREC assurée à Kinshasa pour l’ensemble de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).
« Notre cathédrale, notre radio ». L’évêque l’a martelé ainsi à l’ouverture, le 19 août et à la clôture, le 25 août 2018, de la session de formation animée par le père Jean-Baptiste Malenge, formateur du Centre de Recherche et d’Education en Communication (CREC). Le deuxième formateur fut monsieur l’abbé Jean-Calvin Motuba, président de la commission diocésaine des communications sociales et directeur de la future radio diocésaine, Radio Lisanga-Bomoi (Communauté-Vie).

Monseigneur Mokobe tient à voir la radio diocésaine émettre son premier signal sur les ondes avant le 21 octobre, date fixée pour l’inauguration de la cathédrale Saints Pierre et Paul restaurée. Les travaux d’installation de la radio ont commencé. Et pour l’évêque, la radio sera le signe tout naturel d’un nouvel élan de l’évangélisation. En même temps que le matériel technique est installé après la construction d’une maison de la radio dans l’enceinte de l’évêché et à quelques mètres de la cathédrale, il fallait une formation du personnel.

Une affaire de tous

Rappeler à la communauté diocésaine l’importance de la communication dans l’évangélisation et le rapport entre l’Eglise et les médias comme technologies et nouvelle manière de comprendre, tel aura été le principal objectif de la session de formation. L’évêque de Basankusu tenait aussi à sensibiliser la communauté sur la prise en charge matérielle et financière de ce projet d’une radio de proximité. L’évêque voulait donc surtout que cet instrument d’évangélisation soit compris comme une affaire d’Eglise.

Quelque deux cents personnes étaient là, chaque jour, fidèles, assidues. Chacun entendait participer à l’activité pastorale de l’Eglise, mais il est apparu aussi que l’idée d’apprendre à parler à la radio séduisait et attirait les jeunes et les moins jeunes. Si loin de la capitale provinciale Mbandaka et de Kinshasa, la capitale du pays, beaucoup voulaient saisir la chance d’apprendre à parler au micro, de répondre à une interview…

De Kinshasa, on atteint Basankusu après une heure d’avion jusqu’à Mbandaka puis deux jours en pirogue (avec moteur) sur le fleuve Congo et la rivière Lulonga. Des délégués sont venus des cinq doyennés du diocèse. Catéchistes et autres responsables de mouvements d’action catholique, tous les prêtres et les grands séminaristes (en vacances) étaient là ainsi que les frères de la congrégation diocésaine « Balangwa Kristu » et les membres de la congrégation religieuse féminine des Sœurs de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Basankusu, de la Supérieure générale, sœur Madeleine Bokungu, aux novices.
A la manière des disciples d’Emmaüs (Cf. Matthieu), ils ont appris et fait l’expérience qu’ils communiqueront la foi d’autant mieux qu’ils auront en eux un feu qui les mette en mouvement. Ce feu est celui de la passion pour Dieu et pour le prochain. Après une « sortie » attentive vers le marché ou l’hôpital général, ils sont revenus avec des images, des récits et des idées. « Nous nous sommes laissés aller par la messe », a commenté un prêtre, après la célébration où la prière des fidèles a pris le temps voulu. Les participants ont confectionné ensemble une grille des programmes de la prochaine radio, selon les attentes et besoins exprimés pour « grandir ensemble dans la foi et dans l’humanité ». Et les différents groupes ont joué le jeu : jeunes, hommes, femmes, consacrés, prêtres, séminaristes, animateurs pastoraux…

En paraphrasant le saint pape Jean-Paul II, nous avons invité les participants à ne pas avoir peur de leur pauvreté matérielle et financière. La Conférence épiscopale italienne a gracieusement fourni le gros du matériel d’émission et de diffusion, mais celui qui vous a donné les casseroles et les assiettes ne devra pas vous assurer la chikwangue, le poisson et le menu de chaque jour… Les participants ont donc réfléchi sur la récolte des fonds pour leur radio. Tel fut aussi le secret désir de Mgr Joseph Mokobe.

Le policier et le procureur

L’évêque de Basankusu a aussi associé les responsables et principaux animateurs des quatre radios émettant dans la ville : Bomoko, Sarah, Bonsomi et Liberté. Recrutés sur le tas comme ailleurs, ils se sont montrés assidus pour bénéficier de la moindre formation et information.

Une présence remarquable fut aussi celle du commissaire supérieur de la police nationale à Basankusu, Gilbert Mande, et du substitut du procureur de Basankusu, Jean-Paul Matondo. Leur présence a rappelé les « limites de la liberté d’expression » ou plutôt le « droit de la communication ». Les deux personnalités ont déjà répondu à l’appel de l’évêque qui associait tout le monde aux travaux de la restauration de la cathédrale. Mais l’évêque attendait surtout que des règles de droit et de morale soient partagées afin que le vivre-ensemble dans la ville de Basankusu et la région évite des conflits déjà connus ailleurs à travers les médias.

Le procureur de la République a ainsi pris la parole au dernier jour de la session. Il a écouté commenter le « code d’éthique et de déontologie du journaliste congolais » et le Message du Saint-Père François pour la cinquante-deuxième Journée mondiale des communications sociales portant sur « fausses nouvelles et journalise de paix ». Le substitut du procureur a alors reconnu dans l’enseignement du pape et de l’Eglise les fondements du droit qu’il a lui-même appris et qu’il pratique. Exemples à l’appui, il a ainsi renseigné sur des cas concrets touchant l’honneur, la vie, l’intégrité physique voire les biens d’autrui. Et l’assemblée n’a pas tari de questions concernant le point délicat de la diffamation.

Conclusion

A Basankusu, la cathédrale et la radio auront la vocation de rassembler le peuple de Dieu et tous les responsables pour aider les uns et les autres à grandir dans la foi et l’humanité. Le nom de la radio Lisanga-Bomoi (Communauté-Vie) est tout un programme d’engagement personnel et de collaboration.

Les participants à la session de formation ont retenu ce lien enseigné par l’Eglise depuis les Ecritures et le Concile Vatican II : le lien intrinsèque entre communication, communion et communauté. Ce que Pierre Babin m’écrivait le 18 novembre 1993 garde toute son actualité pour la RDC : « Je crois que les communicateurs doivent être à l’avant-garde du combat pour la prise de conscience des populations, pour le respect et la compréhension mutuels des différents groupes humains. »

Après cette formation plutôt générale sur la vision de la radio diocésaine, le CREC a été invité à accompagner l’équipe des producteurs et animateurs qui sera bientôt constituée pour la mise en marche quotidienne de la radio.
Jean-Baptiste Malenge