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Le Pape François et la communication
- 4 septembre 2013
- Posted by: ideadmin
- Category: Documents Français

Le Pape François et la communication
Original en espagnol publié dans le n° 16 de la nouvelle vie magazine, 25 août 2013
Dans le discours du pape François aux évêques du CELAM à Rio de Janeiro, il y a plusieurs thèmes qui peuvent être intéressants à analyser du point de vue de la communication. Sans vouloir être exhaustif j’en propose seulement certains.
L’«aujourd’hui» et l’actualité
Les communicateurs travaillent branchés sur l’actualité et cela résulte pour nous dans l’Église qu’elle soit considérée comme un lieu « de faible valorisation », pour le dire avec une certaine élégance. Cette obsession pour l’actualité, tant valorisée en d’autres contextes, est sous-estimée et bien souvent disqualifiée au sein de l’Eglise. Nous pouvons l’exprimer d’une autre manière : au sein d’une institution de deux mille ans d’histoire et en plus consacrée aux vérités éternelles, se consacrer à « l’actualité » est comme s’occuper de choses sans importance.
Il est intéressant de relier ces préjugés sur « l’actualité » à ce que dit François sur « l’aujourd’hui » à Rio de Janeiro : « Dieu est réel et se manifeste dans « l’aujourd’hui » (…) « L’aujourd’hui » » est le plus proche de l’éternité ; plus encore : « l’aujourd’hui » est l’étincelle d’éternité. Dans « l’aujourd’hui » se joue la vie éternelle. » Je pense que rarement un pape a dit une chose si importante pour ceux que nous voulons présenter au Seigneur dans les médias.
Lorsque nous sommes attentifs à « l’aujourd’hui » de nos vies, de nos sociétés, de nos communautés ecclésiales, nous ne sommes pas en train de nous distraire dans l’anecdotique ou le superficiel ; nous recherchons pour notre temps et notre réalité la présence vive de Dieu. Annoncer le message de Jésus dans les médias ne consiste pas à chercher dans le passé des phrases ou images qui éclairent le présent, mais se plonger dans le présent pour y rencontrer Dieu proche qui marche à nos côtés. Jésus est de notre temps, il marche en avant, pas derrière. Analysant les faits, en découvrant de nouvelles données, critiquant les comportements, en proposant des exemples, en partageant des messages, nous cherchons à trouver et à montrer les traces de l’amour de Dieu aux hommes et aux femmes de cet « aujourd’hui » de cette actualité.
La proximité et la rencontre
Le pape nous rappelle: « à Aparecida, on a de manière importante deux catégories pastorales qui émergent de l’originalité même de l’Évangile et qui peuvent aussi nous servir de critère pour évaluer comment nous vivons de manière ecclésiale en disciples missionnaires : la proximité et la rencontre. »
Il y a longtemps qu’en Eglise on parle de la nécessité de « la proximité et de la rencontre ». Nous l’avons dit tant de fois au point de la rendre peu crédible. Nous pourrions dire qu’à force de le répéter, nous avons réussi à installer une « proximité et une rencontre théorique » à la fin bien plutôt « distantes, lointaines, abstraites ». La question n’est pas moindre, car comme le dit François, il s’agit ni plus ni moins que du « critère d’évaluation ».
Que signifie être proche ? Embrasser des enfants et des malades ? Être disponible à n’importe quelle sollicitation ? Avoir un style de vie qui ne nous éloigne pas des gens ? Aucun doute, c’est tout cela, mais rien de plus ? Pour les communicateurs que veut dire être proche ? Qu’est-ce que sortir à la rencontre ?
Nous sommes facilement face à des préjugés : un prêtre (ou un laïc) dans un hôpital est proche, un prêtre (ou un laïc), devant un ordinateur est lointain. Images délicates. Vous pouvez être dans un hôpital, très loin de la douleur et au contraire très proche d’elle devant un ordinateur. C’est dans la mesure où nous sommes capables de considérer les cœurs que nous trouverons une réponse. La vérité est qu’il y a des domaines sur l’Internet qui sont proches et d’autres qui sont loin ; nous pouvons dire cela aussi des programmes de radio ou de télévision ; des livres ou publications. Il y a aussi des aumôniers, religieux, infirmiers, proches ou lointains. Dans « les médias » comme dans « la vie réelle », la différence est dans les détails qui peuvent sembler insignifiants ; le ton, les exemples, le regard, les questions…
Le Saint Père lui-même a noté dans ce discours qu’aucune de ces deux catégories n’est nouvelle, « mais elles constituent la modalité par laquelle Dieu s’est révélé dans l’histoire. Il est le « Dieu proche » de son peuple, une proximité qui atteint son sommet dans l’incarnation. Il est le Dieu qui sort à la rencontre de son peuple. » Dieu est proche, car il s’inscrit dans l’aujourd’hui de notre histoire.
Une fois encore la question est qu’est-ce qu’être proche pour les communicateurs, qu’est-ce que pour eux partir à la rencontre du peuple de Dieu ? Et une fois encore l’effort de surmonter les préjugés et les formules gravés au feu dans le cœur des pasteurs et des troupeaux : qui est le plus proche, qui sonne à la porte d’une maison, ou qui y entre par l’intermédiaire de ces discussions en ligne des nouvelles technologies ? qui parle autour d’une tasse de thé avec une image pieuse dans la main, ou qui, de la radio, de la télévision ou de l’ordinateur entre dans un dialogue parfois silencieux et profond avec quelqu’un qu’il ne connaitra jamais personnellement ? Dans ces exemples, nous pouvons trouver une réponse sans entrer dans « l’aujourd’hui », dans « l’actualité » de chacun d’eux. Mais certainement aussi bien dans un cas comme dans l’autre on peut être proche ou éloigné.
Ecoutons à nouveau François: « Il y a des pastorales organisées avec une telle dose de distance qu’elles sont incapables d’arriver à la rencontre : rencontre avec Jésus Christ, rencontre avec les frères. De ce type de pastorales, on peut attendre au maximum une dimension de prosélytisme, mais elles ne conduisent jamais ni à l’insertion ecclésiale, ni à l’appartenance ecclésiale. » Cette « dose de distance » peut se produire dans une rencontre via satellite ou « autour d’un verre ». Tout dépendra non seulement des formes plus ou moins aimables, mais aussi de la distance de cette rencontre avec « l’aujourd’hui » des personnes et des peuples. La distance mesurée est celle concernant « l’aujourd’hui ». La pastorale éloignée est celle qui au départ des concepts, énumère des vérités valables pour n’importe qui de n’importe quel continent ou époque historique, la pastorale de proximité est toujours entrelacée avec la vie concrète et l’actualité.
Prosélytisme ou insertion ecclésiale
Dans le paragraphe cité le pape nous dit que ces pastorales lointaines peuvent aider peut-être à faire du prosélytisme mais ne servent pas à atteindre « ni l’insertion, ni l’appartenance ecclésiale ». Là pointe la différence entre le prosélytisme et l’évangélisation, le premier est une publicité visant à gagner des adeptes, la seconde est la rencontre avec Jésus qui nécessairement conduit à la communauté réunie autour de l’Eucharistie. Le prosélytisme invite à rencontrer l’Eglise, l’évangélisation nous conduit à l’aimer.
Ces distinctions sont très importantes pour ceux qui sont dans le monde étrange des communications sociales. La tentation de faire du prosélytisme se cache à chaque étape. Dire, ce qui plait aux gens d’entendre, promouvoir les dévotions franchement comparables aux superstitions, faire appel au sentimentalisme et au miraculeux, constituent aussi une façon de « diluer la foi». Démagogie et populisme ne sont pas seulement des tentations politiques.
Mais il ne s’agit pas seulement de nous demander si la diffusion de nos messages semble plus du prosélytisme ou de l’évangélisation. Cette distinction montre une autre question intéressante aujourd’hui de l’Eglise : comment sont nos médias (ceux de l’Église officielle ou des catholiques qui ont les médias) ? Ce qui les meut, est-ce l’appartenance à l’Eglise ou sa propre vision de ce que l’Eglise devrait être ? A qui parlons-nous, à ceux qui sont loin et ne savent rien de Jésus Christ ou à ceux qui sont à proximité et ne pensent pas comme nous ? Comment sont les médias de l’Eglise à l’égard de l’Église elle-même ? Nous pouvons revenir à la comparaison avec les politiciens : nous les critiquons lorsqu’ils utilisent l’Etat pour servir leurs intérêts, on peut également prétendre faire de même avec l’Eglise.
La question du prosélytisme ou de l’insertion ecclésiale, comme presque toutes les demandes de François, va directement au cœur de notre devoir de répondre avec sincérité, du moins si nous voulons vraiment être des communicateurs de l’Évangile dans l’aujourd’hui de nos peuples et de nos vies.
L’Église et le peuple de Dieu
« Qui est le principal bénéficiaire du travail ecclésial, l’Église comme organisation ou le Peuple de Dieu dans sa totalité ? » « Sommes-nous conscients de la responsabilité de reconsidérer les activités pastorales et le fonctionnement des structures ecclésiales, en cherchant le bien des fidèles et de la société ? »
Ces questions sont importantes pour les communicateurs. Faire la distinction entre « l’Eglise en tant qu’organisation » et « le peuple de Dieu dans sa totalité » est essentiel pour comprendre que la tâche du communicateur de l’Évangile n’est pas celle du spécialiste de la communication institutionnelle préoccupé par « l’image de l’Eglise ». Les actions nombreuses et bien intentionnées, pour soigner l’image de l’institution peuvent être l’expression d’une Eglise qui, comme dit François : « Elle devient de plus en plus autoréférentielle et sa nécessité d’être missionnaire s’affaiblit.. »
Le destinataire de la communication est le peuple de Dieu dans son intégralité, soit davantage que les fidèles qui appartiennent à l’institution ; C’est le peuple de Dieu qui se trouve dans les périphéries « en cherchant le bien des fidèles et de la société ». (Non le bien de l’institution) Et puis, quelle est la place de l’Église ? « Il est important d’avoir toujours présent à l’esprit que la boussole pour ne pas se perdre sur ce chemin est celle de l’identité catholique comprise comme appartenance ecclésiale ». L’Église est la boussole. L’Église vivante et à laquelle chacun de nous appartient.
Mais dans cette réflexion il convient de s’arrêter un instant : nous pouvons nous demander pourquoi le pape, dans cette dernière affirmation, n’a pas terminé la phrase par le mot « Catholique ». Je pense que l’expression « identité catholique » est associée à quelque chose de statique et doctrinal, à quelque chose de déjà défini pour me répéter, quand on ajoute « comprise comme appartenance ecclésiale », ajoutons «l’aujourd’hui », le présent ; et aussi l’espace : on appartient à des communautés ecclésiales locales, avec des rythmes et des processus différents. L’Évangile est communiqué à partir d’une communauté et pour une communauté.
Enfin, je pense que tout communicateur peut se laisser émouvoir par la belle allusion de François au « misterium lunae », le mystère de la lune. Cette expression a été la façon dont les anciens se servaient pour parler de « l’image de l’Eglise ». La lune n’a aucune lumière, elle la reçoit du soleil, Ce qui importe ce n’est pas l’institution, mais la lumière de Jésus qui la fait briller.
Texte orignal en espagnol de Jorge Oesterheld traduit en français par Janvier Yameogo
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